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Bedri Dedja: Les contes de la Suisse

E hene, 13.04.2009, 08:42 AM


BEDRI DEDJA

LES CONTES DE LA SUISSE

Traducteur en français:
ALFRED PAPUÇIU

BOTIMET TOENA
TIRANË, 2002
EN GUISE DE PRÉFACE

Je connais l’académicien et le professeur Bedri Dedja depuis de nombreuses années. Je me rappelle que quand j’étais petit, il m’a ramené d’un de ses voyages de Moscou, un album avec des timbres rares russes du siècle passé et des années ultérieures, parce qu’il savait que j’étais un philatéliste passionné. Un jour de mars 2002, une intuition s’est imposée à moi: celle de raconter des moments de sa vie, ainsi que de publier en français une partie de ses perles en tant qu’un des meilleurs écrivains albanais pour les enfants et les adolescents. Je ne lui ai pas touché un mot concernant une telle possibilité, parce que je savais qu’il ne serait pas d’accord, avec sa modestie qui l’a caractérisé pendant toute sa vie. Mais je vais le faire parler devant un verre d’eau de nos sources, parce que je sais que nos amis médecins lui ont défendu de boire même un petit coup de rouge. J’imagine que ses amis de toujours Emil Qirko et Emil Cimbi, Mustafa Xhani, Perlat Kapisyzi et tant d’autres l’ont convaincu: maintenant  que l’espérance de vie est plus longue et qu’elle ne commence plus à quarante ans, comme disaient les italiens dans le temps, mais à cinquante ans, prof. Bedri a devant lui au moins 40 ans pour nous raconter son parcours, écrire et nous donner des conseils pédagogiques et d’un psychologue renommé. Il est Président de l’Association des Psychologues albanais, membre de l’Assemblée de la Ligue Mondiale des Sciences Psychologiques. IBC, le Centre International des Biographies de Cambridge, dans son volume de 1999-2000, dans la rubrique “Who Who’s”, l’a qualifié Bedri Dedja avec trois titres: “un écrivain et auteur mondial”, “un des 2000 écrivains les plus illustres du 20-ème siècle” et  “l’Homme de l’année 2000”. En 2000, il a reçu du président albanais, Rexhep Meidani, à l’occasion de son 70-ème anniversaire, l’ordre “Grand Maître du Travail”. Il est “Lauréat du Prix de la République”.
La décision prise d’écrire au sujet du prof. Bedri Dedja, n’est pas une tâche facile pour moi, surtout quand on a devant soi une personnalité remarquable. Cette décision, je l’ai ruminé pendant un long mois, puis je me suis mis un jour à mettre noir sur blanc des notes sur son histoire, comme on raconte une belle et vraie histoire. Ici dans cette préface je ne pourrai pas donner en quelques lignes la figure du prof. Bedri Dedja, mais je le ferai bientôt au fur et à mesure que je traduirai ses œuvres. Bien sûr, je suis conscient que sa femme Pandora, femme de science en littérature ou ses enfants, ou même ses neveux, nièces et proches, trouveront que je n’ai pas dit ceci, pas soulignés des moments forts de sa vie ou encore j’ai omis des choses importantes. Mais je leur promets que je ferai tout pour prendre des notes, pour les écouter ici en Suisse, en Albanie, en Grèce, au Canada, aux Etats - Unis, partout où ils se trouvent. Je ne peux pas oublier aussi les notes pour Bedri Dedja, de mon inoubliable père Tuni qui, un jour de l’année 1959, a commencé avec lui la publication de la première revue pour les enfants après la Libération du pays “Fatosi”. Et pendant des décennies, “l’oncle Bedri”, comme nous étions habitués à l’appeler, a écrit des merveilles pour les enfants, des milliers de contes, de poésies, de poèmes, des pièces de théâtre, des romans, pour les petits de trois ans jusqu’aux grands de 100 ans. Il est un des auteurs les plus en vogue en Albanie mais aussi hors des frontières albanaises. Il a écrit dans tous les styles de  littérature et avec beaucoup de succès. Il a  reçu “Le prix de la République” et plusieures de ses œuvres sont traduites dans d’autres pays. Il a écrit presque soixante œuvres littéraires de tous les genres.  On a réédité 61 fois ses livres pour les enfants. Nous pouvons mentionner entre autres: “Les contes de la Suisse”,  “L’école du forêt”, “Les contes de la Grand-mère Propre”, “l’héroïsme de Veinard criblé de tâches de rousseurs” ou “Comment quatre enfants sont devenus des hommes d’affaires”, “L’oie à la plage”, “Le petit berger dans la montagne sèche”, “Les contes de onze étages”, “La menace des griffes cosmiques”,  “Artan le clairon et son commando”, ses romans “La République des milles et cent surprises”, “Les gosses de mon immeuble”, “Met le partisan”, “Les alarmes de la Ville de Nul part”, “Le kacamisri autour du globe », “La ville aux trois forteresses”, “Dans les profonds Corridors du Jon ». Son roman “Un voyage dangereux” a été publié plusieurs fois. Il est dans la liste d’honneur de l’Organisation Internationale de la Littérature pour les Enfants (IBBY). J’aurai le privilège de le traduire bientôt en français, selon le souhait du Prof. Bedri Dedja.
La vision claire et sa verve d’un psychologue renommé et d’un pédagogue exemplaire ont été un atout pour le prof. Bedri Dedja afin d’ afficher d’une manière simple et très caractéristique ses idées dans ses livres et des études pour les enfants et les adultes. “A travers les sentiers de la vie”, ses souvenirs sont un message optimiste pour la vie et les gens qu’il aime et pour lesquels il ne s’arrête pas un jour d’ écrire, de méditer…Ses livres “La littérature pour les enfants des écoles pédagogiques”, “Les traditions et les problèmes de la littérature albanaise pour les enfants”, “Des écrits pour la littérature pour les enfants” et des centaines de ses articles qui sont utilisés dans les écoles et les instituts de recherche sont d’actualité. Il a traduit et publié trente œuvres de la littérature classique mondiale et russe pour les enfants, en prose et en poésie.
Le recueil des “Contes de la Suisse” que nous vous présentons ici en albanais et en français, est une partie des souvenirs et des contes que le prof. Bedri Dedja a écrit sur ce petit pays aimable et de gens travailleurs, hospitaliers. En Suisse, il se rend de temps à autres où il s’y sent tranquille pour écrire, et donner des conférences, surtout pour les jeunes albanais qui ont choisi comme pays d’accueil la Suisse. Il leur inculque, avec son éloquence exemplaire,  l’idée qu’ils doivent respecter les lois et les coutumes suisses, comme les Suisses respectent les traditions et la langue albanaise et des autres populations, en leurs donnant la possibilité de s’instruire et de parler aussi leur langue d’origine. Le prof. Bedri Dedja a enseigné dans plusieurs Universités et institutions de recherches albanaises, la pédagogie et la psychologie. Il a contribué pour l’évolution de l’école et son histoire, pour l’éducation, la psychologie sociale…
Le prof. Bedri Dedja  a aussi un projet qui se réalisera bientôt: “Pestalozzi et l’Albanie” que j’ ai promis de traduire en français. Le livre sera un hommage pour l’illustre pédagogue suisse, qui des années durant a pensé des simples gens, pour les éduquer à prendre le chemin de l’amour et du respect de l’un envers l’autre, envers les concitoyens et envers les étrangers. Ce livre sera un message d’amitié entre la Suisse et l’Albanie et servira comme  un repère pour les jeunes générations en Albanie qui sauront découvrir la vie et le parcours du pédagogue illustre Pestalozzi.

Alfred Papuçiu
Genève, le 28 mars 2002

LE CANARD DE NEUCHATEL

Il était une fois un canard, loin d’ici, sur le lac de Neuchâtel, en Suisse, dans le pays des montagnes.
Ce canard ne ressemblait pas aux autres canards du lac. Quand on le voyait, il semblait un canard extraordinaire. Duveté en rouge à la tête, il possédait deux lignes argentées qui descendaient comme des tresses, de part et d’autre de la tête jusqu’au cou où d’autres lignes blanches passaient sous le jabot, comme des colliers de perles. Ses deux ailes ressemblaient à deux bouclés de couleur orange. Il avait des traits communs avec le paon, le léopard, le zèbre, la girafe et même avec les déesses de la Grèce antique. Les autres canards avaient sur la tête des plumes vertes sombres, mais qui paraissaient bleues, lorsque s’y reflétaient les rayons du soleil.
L’hiver s’approchait quand je l’ai rencontré pour la première fois dans la baie devant l’hôtel “Beau lac„.
Un vent rigoureux avait commencé à souffler. Le bouleau au bord du lac avait froid. Ses feuilles avaient commencé à jaunir et tombaient par terre. Il avait peur que l’hiver le mette à poil. Les cygnes du lac étaient devenus rares. Peut-être que la plupart d’entre eux étaient-ils partis pour passer l’hiver à l’endroit le plus chaud du lac. Seulement les moineaux, les colombes et les mouettes faisaient du bruit tout au long de la rive, en attendant de la nourriture des enfants et des vieillards.
Moi, j’avais appris le langage des canards qui s’appelait la langue vak - vak- vak, et j’ai donc parlé au canard extraordinaire, dans sa langue.
- Vak-vak-vak, cher canard! Qui es- tu? Qu’est ce que tu attends ici près de la rive?
- Vak-vak-vak! Je suis le président de la République des canards! J’attends un garçon qui s’appelle Arbi. Il m’a promis de m’amener des grains de maïs.
- Tu n’as pas peur des enfants?
- Vak-vak-vak, non! Nous, les canards, nous n’avons pas peur, ni d’ailleurs les moineaux… ou les pigeons, les cygnes, ni les mouettes. Aucun enfant, vak-vak-vak, ne me jette des pierres. Notre lac est l’endroit le plus étonnant au monde. Ici, il y a seulement la paix et la tranquillité. Les enfants nous nourrissent, tandis que nous donnons des concerts et leur racontons des histoires des exploits des canes et des canards...
- C’est incroyable. Inouï... Ils ne jettent pas de cailloux, même pas contre les moineaux?
- Vak-vak-vak, non! Regarde comment les moineaux jouent entre les jambes des enfants, comment ils prennent les grains que les enfants leur jettent, dans l’air, avant même qu’ils ne tombent par terre... A aucun endroit du monde il n’y a de pierrots si sains, parce qu’ils ont une bonne nourriture donnée par les enfants.
- Est-ce que cela est la seule surprise du lac?
- Ah non, il y a d’autres choses stupéfiantes. Un jour, la Grand-mère Cane a perdu un caneton. Où est-ce qu’il est allé ? On l’a cherché aux alentours de la ville, sans le trouver. Peut-être qu’il a été kidnappé par un fauve? Non, non! Ici personne ne te kidnappe.
Ils ont donné l’alarme en criant vak-vak-vak, et ciu-ciu, les pigeons ajoutant leur gu-gu gu et les mouettes leur ou-ou ; il y avait aussi des cris de colère “thiii-thii” des cygnes. Ainsi se sont réunis tous les Présidents de la Confédération des oiseaux du lac de Neuchâtel.
Il y en avait cinq: Le président des canes et des canards, le président des moineaux, le président des mouettes, le président des pigeons et le président des cygnes. Ils ont dit:
- Jamais nous n’avons entendu qu’un petit d’une cane était perdu. Jamais cela n’est arrivé ! Pourquoi la Grand-mère Cane doit-elle pleurer?
Les cinq présidents de la Confédération des Oiseaux ont signé l’Ordre de la mobilisation militaire pour trouver son caneton.
Le lac était plein d’écume, tant battaient des ailes les canes et les cygnes qui ont commencé les recherches. Les mouettes, les pigeons et les moineaux, comme des avions, ont volé au-dessus du lac et ont contrôlé d’en haut chaque endroit. Tous ont regardé dans les rives et dans chaque escarpement, de Neuchâtel à Colombier, de Cortaillod à Consise et Yverdon, d’Estavayer à Champ-Martin, de Marin à La Neuveville, de Erlach à Bienne. On ne l’a pas vu ni trouvé la tête du caneton de la Grand-mère Cane.
Les oiseaux sont retournés fatigués. Ils se sont assis pour se reposer au bord de Neuchâtel, là sur la plage des enfants, vers la plaine près de l’Université, où se trouvait le  “Cirque Monti”, avec la grande tente des spectacles et des belles maisonnettes avec des roues, où dormaient les artistes et les animaux du cirque.
A cet instant le pierrot s’est envolé pour chercher de la nourriture dans la cité du cirque.
Et qu’est ce qu’il a vu? !
Le caneton de la Grand-mère Cane s’était approché des animaux du cirque et regardait, étourdi, leur entraînement, sans réaliser que les oiseaux de la Confédération étaient fatigués, parce qu’ils l’avaient cherché tout partout, sur les rives du lac.
- Pourquoi as - tu  fais cela, petit de la Cane? Pourquoi tu nous as fatigués, petit de la Cane? Mais la Confédération des oiseaux t’aime, petit poussin! Nous ne pouvions dormir sans avoir trouvé notre caneton!
Après ces retrouvailles avec le petit de la Grand-mère Cane, les oiseaux ont donné un dîner au bord du lac pour fêter la joie. Le pierrot, ce soir là, a reçu la médaille de première classe “Officier de la légion d’honneur des moineaux”. Les animaux du “Cirque Monti” n’ont pas pu participer à cette soirée ils ont vu seulement la fête de loin, depuis les fenêtres avec des barres de fer de leurs maisonnettes. On dit que seul un ours a eu l’eau à la bouche quand il a vu que les moineaux essayaient de prendre du miel avec leur bec dans une tasse.
- Vak-vak-vak! C’est une belle histoire, dis-je au président des canards. - Tu es un canard très sympathique! Est-ce que nous pouvons partir ensemble faire une promenade au bord du lac?
- Non! - a répondu le canard. - Tu ne vois pas que mon copain albanais, Arbi de Neuchâtel, s’approche?
- Eh, canard président ! Mais qui est cet Arbi l’albanais de Neuchâtel?
- Je te montrerai qui il est, parce que lui aussi a une histoire, comme celle du petit de la Grand-mère Cane...
Le lendemain matin je suis encore sorti pour promener au bord du lac et pour rencontrer le président des canes et des canards.
Vak-vak-vak! Tout de suite nous nous sommes donnés le mot. Le président m’a raconté l’histoire d’Arbi l’albanais.
Arbi était un garçon sympathique, ami des oiseaux.
Un jour Arbi était parti pour aller à l’école. Les parents lui avaient recommandé:
- Ne soit surtout pas étourdis! Ne te trompe pas!
Arbi avait répondu:
- Je ferai attention! Je ne me tromperai pas!
Mais quand il est arrivé à l’arrêt du bus, sans s’en rendre compte, il est resté perplexe et il s’est trompé. Au lieu de prendre le bus numéro 7, il a pris le bus numéro 9. Au lieu de passer vers le versant de la montagne pour aller à l’école, il est monté au sommet de la montagne au bord de la forêt. Quand Arbi a compris qu’il était dans la lune et qu’il a fait fausse route, il a commencé à pleurer.
Le chauffeur était étonné. Les passagers aussi. Toute la ville était en remous parce qu’un enfant avait perdu son chemin! Un enfant n’était pas arrivé aujourd’hui à l’école! C’était comme si le Monde s’était écroulé! Oui, c’était vrai, comme si le Monde s’était écroulé! Toute la ville est en émotion quand un enfant même sans le vouloir se trompe.
Après un instant, quand le chauffeur a téléphoné, Arbi l’Albanais a pu être amené à l’école en bus numéro 9. Il a été accompagné par tous les passagers. Le bus paraissait comme un grand taxi. Quand Arbi est entré en classe et qu’il a demandé pardon à la maîtresse pour l’erreur qu’il avait  commise, toute la ville est redevenue tranquille et a repris son souffle.
Eh! Ainsi c’est une histoire qui s’est passé là, loin en Suisse, dans le pays des montagnes, des vallées et des lacs. Ce sont les surprises de ce pays… Est- ce que vous vous êtes rendu une fois dans cette terre de beaux contes? Si vous ne vous y êtes encore jamais rendu, je vous conseille d’y aller... Mais n’oubliez pas une recommandation!
N’oubliez pas d’apprendre la langue Vak des canes du lac de Neuchâtel, parce que quand vous serez près du bord, vers la baie devant l’hôtel “Beau Lac”, le président vous accueillera, le plus beau canard au monde. Le canard duveté de rouge sur la tête, avec deux lignes presque d’argent qui tombent comme des tresses de part et d’autre de la tête au cou et d’autres lignes blanches sous la gorge comme des perles; avec deux ailes qui au bout ressemblent aux tresses aux couleurs d’orange, celles qui ressemblent beaucoup au paon, au léopard, au zèbre, à la girafe et même aux déesses de la Grèce antique.
Tel magnifique canard n’a jamais été aperçu dans le monde.

LE CHIEN MATELASSE

Des jours sont passés. Je suis devenu ami avec Arbi l’albanais. Un jour, nous étions tous les deux au bord du lac et nous jetions aux oiseaux des grains de mais, quand soudain a passé un petit chien matelassé. A vrai dire, moi je n’avais jamais vu un chien matelassé. J’avais vu des milliers de vieillards, d’hommes, de femmes et d’ enfants vêtus d’une veste rembourrée. Même Arbi n’avait pas vu de chien matelassé.
Ce petit chien, qui passait au boulevard, dès qu’il nous a vus, s’est retourné, s’est approché de nous en venant flairer nos jambes.
Ne vous étonnez pas!
Tous les chiens, au bord du lac, s’ils ont une envie soudaine, viennent flairer. Si tu es un homme bon, ils minaudent avec joie et ensuite continuent leur chemin. Sinon, ils aboient…, mais ils ne te mordent pas. Les chiens ici sont gentils et éduqués. Le chien matelassé aussi était gentil et éduqué. Il portait le nom de Rouf.

*  *  *
Le lendemain, nous avons rencontré de nouveau Rouf, au bord du lac. Mais cette fois il ne s’est pas approché de nous et il ne nous a pas flairés. Etait - il fâché avec nous? Peut- être, parce que nous connaissions son histoire et nous savions pourquoi sa propriétaire le gardait matelassé…
C’est que l’hiver approchait. Les dernières feuilles jaunies voletaient avec le vent et remplissaient le boulevard. On avait l’impression que chaque pouce de terrain était couvert d’un grand tapis bariolé de couleur jaune et café. La nuit, il faisait plus froid. Les chiens et les chattes dormaient au chaud dans leur chambrette, dans les coins des cuisines ou sur les fauteuils. Nulle part dans la ville on n’entendait miauler un chat ou aboyer un chien, parce que dès que le crépuscule se faisait nuit, ils restaient dans leurs maisonnettes, tout comme les enfants.
Mais enfin, c’était quoi, cette histoire du petit chien Rouf, matelassé? Personnellement, je n’avais rien entendu, mais Arbi insistait qu’un magicien lui avait raconté dans ses rêves...
Selon cette histoire, Rouf avait été un chien sans chance. Dans l’appartement d’ en face vivait son voisin, le chien Paf, le seul chien moitié chamailleur dans toute la ville.
Un minuit, Paf s’est comporté de façon déloyale envers Rouf. Paf est sorti de son appartement en manifestant sa colère, plutôt légère, car il était défendu d’aboyer la nuit. Rouf a senti l’odeur de Paf et il est sorti dans le corridor à son tour, en pensant qu’il était peut – être arrivé un malheur à son voisin.
- Ham, fit Paf à voix basse et quand même les deux chiens se sont fait comprendre. Paf dit à Rouf qu’à minuit, avaient lieu les élections présidentielles pour les chiens et les chats de la ville et qu’ils devaient se rendre d’urgence au château, à la salle du Parlement. Nos votes ont beaucoup d’importance, a continué Paf, parce qu’il faut éviter qu’un matou devienne président.
Dehors le froid était glacial. Les oreilles, le nez et les griffes devinrent rouges à cause du vent froid. Paf et Rouf sont allés dans la salle du Parlement, mais n’y ont trouvé personne.
- Tu m’as menti ? - a dit Rouf.
- Non, je ne t’ai pas menti!
- Comment, as - tu appris que les élections auraient lieu?
- J’ai reçu une annonce dans la boîte aux lettres adressée “Au chien Paf”.
- Tu m’as menti!
- Non, je ne t’ai pas menti!
En tout cas, Rouf, cette nuit-là a pris froid parce qu’il est sorti déshabillé. Il s’est enrhumé et a commencé à tousser. La dame l’a amené consulter le vétérinaire qui lui a donné un médicament contre le rhume et un sirop contre la toux. Quand il a été guéri, la dame lui a mis une veste pour qu’il ne prenne plus froid. Et ainsi, matelassé, il est sorti le troisième jour pour se promener au bord du lac.
Etonnement, même cette fois il s’est approché de nous et il a flairé nos pieds. Ensuite il a aboyé deux fois.
- Qu’est ce que tu as Rouf? Pourquoi aboies-tu? Parce que tu es sorti la nuit sans la permission de la dame ? Et pourquoi as - tu permis à Paf de mentir?
- Ham ! Ce n’est pas vrai ! Ce n’est pas ainsi!
- Alors pourquoi es-tu matelassé?
Rouf a redressé la tête dans notre direction, comme s’il voulait nous dire:
- Pourquoi, vous , les gens, mettez - vous des vestes? Vous ne voyez pas que l’hiver est arrivé? Même nous, les chiens et les chats, nous avons froid en hiver et c’est pourquoi nous sommes matelassés.

LE FLOCON DE NEIGE

C’était un matin de décembre, lorsqu’un flocon de neige a heurté la fenêtre de la chambre où dormait Arbi l’Albanais.
Le flocon de neige avait virevolté longtemps dans le ciel ! Il s’était détaché très vite du nuage et avait couru vers la terre, pour arriver le premier.
Quand il est arrivé à la fenêtre, Arbi dormait encore. A vrai dire, ce garçon n’était pas un grand dormeur. Quand les parents dormaient, il se réveillait. Quand les parents se réveillaient, il dormait. Quand le réveil matin sonnait à six heures du matin, il bâillait, croyant que c’était le début de la nuit. Quand la sonnette s’arrêtait, il pensait que le sommeil de la nuit commençait. Arbi ne savait pas quand il faisait jour et quand il faisait nuit.
Le flocon de neige a frappé à la vitre.
- Réveille-toi, réveille-toi! Tu ne vois pas que la terre est devenue blanche? Les chapeaux deviennent blancs, les parapluies aussi. Les bus et les voitures ont mis des bonnets blancs. Les pins et les sapins ont mis des costumes de mariés. Dans la forêt il y aura un mariage... Réveille-toi, réveille-toi vite!

*   *   *
Arbi ne s’est pas réveillé. Arbi continua à dormir.
A l’école la cloche sonne.
- Où est Arbi? Où est Arbi?
Le flocon de neige se fâche. Il  essaie de se lever mais il n’y arrive plus, ses copains sont tombés sur lui, l’un après l’autre, et ils lui ont dit:
- Tu voulais tomber le premier par terre. Maintenant tu dois rester dessous, à fleur de terre. Nous ne pouvons rien pour toi!
Le flocon de neige se met à pleurer.
- Non, ce n’est pas votre faute, les copains! Moi, j’ai couru le premier parce que je voulais réveiller Arbi pour jouir avec lui de la première neige. Je voulais lui donner la joyeuse nouvelle que les chapeaux et les parapluies étaient devenus blancs, que les bus et les voitures avaient mis des bonnets blancs, que les pins et les sapins portaient des robes de mariées et que dans la forêt il y aurait un mariage… S’il vous plaît, réveillez Arbi parce qu’il est en retard pour aller à l’école...
Mais les copains n’entendent même plus la voix du premier flocon de neige, et en plus ils ne savent même pas qui est Arbi et où il habite.
Le flocon de neige a continué de pleurer. Et il a pleuré beaucoup. Il a fini par fondre et a coulé comme une goutte d’eau. On aurait dit les dernières larmes de cet hiver-là.

COMMENT LES ARBRES AVAIENT-ILS MIS
UN COSTUME?

C’était le premier jour du mois de décembre, quand un tout jeune bouleau s’est réveillé. Il avait beaucoup dormi. Au sommet de ses branches, là où deux bourgeons s’étaient épanouis, il a essayé d’ouvrir les yeux. Il a bougé les paupières et s’est exclamé, stupéfié:
-Où est-ce que je me trouve ? Mais où suis-je ?
Le petit bouleau n’avait rien senti. Les ouvriers avaient été le chercher à la pépinière avec d’autres copains, l’avaient monté sur un camion et planté au bord du lac.
Près de lui se trouvait un vieux bouleau, chauve, sans aucune feuille, nu.
- Qu’est ce que tu fais ici, toi ? Qu’est ce que tu fais ici?
Le vieux bouleau a commencé à raconter son histoire au petit bouleau qui devait apprendre toutes les affaires, puisqu’il venait seulement d’être planté au bord du lac.
Qu’est ce qu’il a raconté, le vieux bouleau?
Eh, mon fils ! Moi aussi, jadis, j’étais jeune et vert comme toi. Moi aussi j’ai grandi dans une pépinière, avant qu’on m’amène ici au bord du lac. Pourquoi m’a- t- on amené? Pour embellir le parc et pour détendre les yeux des gens avec mon feuillage vert et la couleur blanche de mon tronc. Je ne me rappelle pas depuis combien d’années je suis ici. Je ne me rappelle pas combien d’enfants se sont reposés sous mon ombre pendant tous ces étés, quand ils venaient se baigner dans le lac...
Maintenant, je suis devenu vieux. Tu ne remarques pas que je n’ai plus de cheveux? Mais je résisterai cet hiver aussi les autres hivers, jusqu’à ce que tu sois assez grand et aussi fort que moi.
Le petit bouleau a posé encore une question au vieux:
- Mais pourquoi m’a - t- on mis un costume de laine?
- Je vais te dire pourquoi. Ici, au bord du lac, en hiver, il fait très froid lorsque souffle celui qui s’appelle le Vent des Alpes. Une année, ce Vent des Alpes est passé par ici et a fait des dégâts. Il volait avec un yatagan et criait:
- Je vais vous sécher et vous geler!
Et qu’est ce qui s’est passé?
Tous les bouleaux qui étaient plantés au bord du lac ont gelé et ont séché. Lorsque le printemps est arrivé, aucun bouleau n’a fleuri.
Un horticulteur s’est levé, fâché et a dit:
- Qui es-tu, le Vent des Alpes qui m’a séché et gelé tous les jeunes plants de bouleaux? Je vais t’en faire baver, toi le Vent des Alpes ! Tu veux laisser les enfants sans verdure et sans ombre en été au bord du lac?!
La plaine, le lac et les Alpes ont retenti du cri de l’horticulteur.
Mais, est-ce que le Vent des Alpes a entendu son air menaçant?
Quelques-uns disent qu’il l’a entendu. Quelques-uns disent qu’il ne l’a pas entendu. Mais, en fait, pendant trois jours le Vent des Alpes s’est caché dans les montagnes.
L’horticulteur était un homme très sage. Il a beaucoup réfléchi et, enfin, son grand esprit a inventé une merveille.
 - Je mettrai aux jeunes bouleaux un costume de laine en hiver, a-t’il dit.
Et ainsi il leur mis un tel costume.
Le Vent des Alpes est revenu en décembre. Il a soufflé, mais il n’a pas pu sécher et geler les jeunes plants de bouleau. Ils étaient bien au chaud, au bord du lac, grâce à leur costume de laine.
Le Vent des Alpes a soufflé encore, mais en vain. Il est revenu le lendemain, le sur lendemain.  Il est venu presque chaque jour, jusqu’à ce que les fleurs du printemps se soient épanouies et que le jeune plant de bouleau se soit recouvert de feuilles.
L’horticulteur s’est beaucoup réjoui et il était si content, qu’il est allé boire une bière, sachant qu’en été les enfants seront heureux de toute cette verdure et qu’ils pourront se reposer à l’ombre.

LE CONTE DU TRAIN

C’était la dernière nuit avant Noël. Les trains à la gare  se préparaient pour le voyage. Rien ne bougeait. Quelle heure était-il ? Peut-être, minuit...
Quand, soudain, on a entendu une voix étonnante.
Quelqu’un parlait, mais qui était-ce ? On ne savait pas.
Ecoutez ! Ecoutez!
Moi, un moment, j’ai pensé qu’une locomotive parlait, mais je ne pouvais pas le croire. Où est ce qu’on avait entendu qu’une locomotive pouvait parler ? !? Une locomotive est faite d’acier et elle a deux grandes vitres à l’avant, comme deux yeux, mais elle n’a pas de bouche.
Et a qui parler?
Ecoutez ! Ecoutez! Qu’est ce qu’elle dit, cette voix?
« Voilà, encore cinq minutes et moi je pars. Je quitterai la gare et je roulerai sur les rails près des collines couvertes de forêts. Je descendrai vers la vallée. Ensuite, je resterai dans le petit village plein de lumières. Là, je rencontrerai le chef de gare et, peut-être, le passager qui commence le travail à minuit dans “LA BELLE VILLE DES FLEURS”, même quand c’est la fête.
Etonnant! Voilà, il reste encore quatre minutes avant de partir. Pourquoi n’y a-t-il pas de passagers pour voyager avec moi? Comment le train peut-il partir sans aucun passager? »
La grande horloge à la gare a retenti “Ding dong, ding dong”!
On a entendu une voix en colère:
« Toi, locomotive, ne démarre pas! C’est quoi, ça? Toi, tu te fatiguerais, en tirant derrière toi sept wagons alors que les passagers ne te respectent pas?!
Voilà, il reste encore une minute avant l’heure du départ et toujours aucun passager dans le train…
Silence.
La locomotive a obéi au mécanicien, et elle est partie, sans personne dans les sept wagons. On ne sait jamais, on ne sait jamais. Dans la première gare attend un ouvrier qui rentre du travail. Lui aussi veut fêter NOËL avec ses enfants. Dans la deuxième, montera celui qui commence le travail à minuit dans “LA BELLE VILLE DES FLEURS. Il ne fêtera pas NOËL à la maison. « En fin de compte, c’est mon affaire, pensa la locomotive. Je dois attendre les passagers, les amener là où ils veulent. C’est pourquoi, même s’il n’y avait aucun passager, moi je ne me fatigue pas en roulant sur les rails. Notre conte est comme cela. Le train doit attendre les gens et non pas les gens attendre le train ».
C’est comme cela qu’on raconte les contes dans la Suisse des montagnes, des vallées et des lacs.
On n’a plus entendu la voix stupéfiante.
Quelqu’un m’a dit que cela était la voix de la locomotive qui tirait sept wagons sans aucun passager. Mais moi, encore je n’y crois pas. Pourquoi? Est-ce que c’est vrai que la locomotive parle? Non, mais elle raconte...
A ce moment-là a passé devant moi, à toute vitesse, un autre train avec huit wagons et vingt enfants qui étaient en excursion avec leur maîtresse et qui, maintenant, étaient pressés pour aller fêter NOEL à la maison.

Suisse, octobre - décembre 1997

CONTENU

EN GUISE DE PRÉFACE
LE CANARD DE NEUCHATEL
LE CHIEN MATELASSE
LE FLOCON DE NEIGE
COMMENT LES ARBRES AVAIENT-ILS MIS UN COSTUME? LE CONTE DU TRAIN

Editeur : Fatmir Toçi
Rédactrice en albanais : Pandora Dedja
Recenseurs : Kristaq Shtëmbari, Hasan Grëmi
Art graphique: Irena Toçi
Illustrateur: Kosta Raka
La couverture: Irena Toçi
La photo de couverture réalisée par : Lulëzim Shazivari



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Kozeta Zylo: Manhattani ndizet flakë për Çamërinë Martire nga Rrënjët Shqiptare dhe Diaspora